Poème 48 : JOSÉ


Une brise légère soufflait sur le vallon.
La nature frémissait à ce tendre aquilon.
Les blés aux lourds épis, mûrs pour la moisson,
Dansaient sur les versants, comme un océan blond.

Tout semblait immuable dans ce doux paysage.
La récolte des seigles apportait le présage
D’une année abondante au rythme des saisons.
Ses greniers seraient pleins d’une manne à foison.

Il ne s’inquiétait pas José, pour l’avenir.
Il aurait bien le temps toujours de voir venir.
Car ce fou de Noé parcourant les villages,
Annonçait des jours sombres et de mauvais présages.

La violence et la haine régnaient en ce bas monde
Et l’immoralité gagnait le plus grand nombre.
Il disait de changer, de revenir à Dieu,
« Il faut vous repentir et vous conduire mieux. »

Je ne suis pas très juste, bien sûr, pensait José.
Mon quintal de blé, à la vente, est léger.
Un peu par ci, un peu par-là, de grignoté,
Représente un bon gain, à la fin de l’année.

Et puis il faut pouvoir marier les enfants.
La dote d’une fille coûte pour les parents.
Il me faut faire l’achat pour Jacques d’une terre,
Car il est le cadet, l’héritier est son frère.

Voici venir Noé, constructeur de bateau !
Sur quoi veut-il voguer, il est bien loin de l’eau ?
Il a presque fini et dit : « Qui veut monter,
Se consacrer à Dieu et sortir du péché ? »

Depuis bientôt six mois, il colmate et enduit.
On voit les animaux se rapprocher de lui
Car il a dans ses cales, engrangé du fourrage.
Il dit : « Nous sommes prêts bientôt pour le voyage. »

Si Noé est content, aidé par sa famille,
De construire cette arche, de haranguer les villes,
Et même s’il veut vivre au milieu d’un zoo,
Je parie que jamais il ne vogue sur l’eau !

C’est curieux quand même. Pourquoi toutes les bêtes,
Viennent-elles, deux par deux, les éléphants en tête ?
Qu’est-ce donc qui les pousse, à venir dans ce lieu
Et toutes à embarquer ? Ne serait-ce pas Dieu ?

D’un haussement d’épaules, José ponctue ses dires.
Lui, il a d’autres vues, il désire s’enrichir.
Ses herbages foisonnaient sous l’aiguail du matin,
Et ses troupeaux jamais ne manqueraient de foin.

Il regarde le ciel se couvrir de nuages.
Mais, que se passe -t-il, il n’est pas dans l’usage,
Que le soleil se voile et le jour s’obscurcisse.
De l’eau tombe du ciel, ce ne sont que prémices.

En effet, les écluses des cieux vont s’ouvrir,
Et d’un abyme d’eau, la terre se recouvrir.
Où sont passés Noé, sa femme et ses enfants ?
Où sont les animaux qu’on voyait arrivant ?

Comme passe l’éclair, l’espace d’un instant,
José revoit Noé qui allait proclamant :
« Encore trente jours et la vie disparaît
De la terre où chacun agit comme il lui plaît.

N’attendez plus, repentez-vous, changez,
Et au Dieu Créateur, aujourd’hui revenez. »
José court vers l’arche, il appelle Noé.
Mais il ne voit personne, la porte est refermée.

Pendant quarante jours, il a plu sur la terre.
Le temps était passé de revenir à Dieu.
La terre s’est inclinée, a déversé ses mers,
Et l’arche de Noé flottait seule sous les cieux.

  • Annick Markmann

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