L’orage de la nuit, en cette fin d’été,
Apaise de fraîcheur le matin qui se lève.
Déjà le coq chante, la basse-cour est éveillée.
Panier au bras, Charles s’en va cueillir son rêve.
Car il rêve, Charles, se dirigeant vers la forêt,
De cèpes parfumés, trapus, à peau luisante,
Frais éclos des sous-bois aux fougères odorantes.
Bâton en main, couteau en poche, il est fin prêt.
Rapidement, Charles récolte sur les pentes,
Au pied des châtaigniers, des chênes, des bouleaux,
De l’orée des feuillus jusqu’au cœur du coteau,
Sous maintes feuilles mortes, une manne odorante.
Et c’est panier rempli, émergeant du couvert,
Dans la claire trouée, qu’en plein jour il arrive.
Les oiseaux sont nombreux à chanter sur les rives
D’un ruisseau qui s’unit, murmurant de concert.
Soudain, il le voit, couché dans l’herbe verte.
Sa brune chevelure ondule au flot limpide.
Le soleil dore, de doux rayons, son corps livide,
Son front est déchiré de mille plaies ouvertes.
Ses mains, ses pieds, dans les bruyères,
Apparaissent percés d’un seul trou sanglant.
De son cœur, a coulé en un sillon béant,
De l’eau mêlée de sang répandue sur la terre.
Tout baigné de lumière, il est là dénudé,
Son ami si fidèle, doux et respectueux,
Celui qui le comprend, miséricordieux.
Il n’a fait que du bien, qui a pu le tuer ?
Plus forte que sa peine, se lève la colère
Où est donc l’assassin, Charles le veut en face.
Il faut lui faire payer son forfait, nulle grâce.
Un innocent est mort, et ce crime est amer.
Quand sous les frondaisons, mille voix se rapprochent,
Les feuilles sèches volent et craquent sous leurs pas,
Une sourde rumeur s’enfle de proche en proche,
Saisit Charles au collet : « Tu n’échapperas pas ! »
Charles alors se retourne et ne découvre rien,
Aucun accusateur face au pardon divin.
Le corps a disparu, qui gisait près de l’eau,
Témoin de son amour pour lui, du Dieu très haut.
Et le soir venu, quand l’omelette embaume,
De son odeur subtile aux ceps parfumée,
Charles d’une voix vibrante fait monter un psaume,
Vers le Ressuscité, dans les cieux, élevé.
Annick Markmann