Épitaphe

Je marchais auprès de mon père
En ajustant mon pas au sien,
Dans les allées du cimetière,
Attentive aux plus petits riens.

J’avais dix ans, c’était l’hiver
Et nous allions poser des fleurs,
Sur la tombe de mon grand-père,
Pour que son souvenir demeure.

Mon père avait fait un détour,
S’arrêtant près d’un monument.
C’était le plus riche alentour,
Et de loin le plus imposant.

Papa alors de m’expliquer,
Qu’il avait été apprenti,
Chez l’homme reposant ici,
Sans en partager les idées.

Il a été pour moi un maître,
Attentif, sérieux, appliqué.
Je lui dois aujourd’hui d’être,
Un tourneur sur bois qualifié.

Je lisais alors l’épitaphe
Qui dans la pierre était gravée:
C’était, pensais-je, un beau paraphe,
« Ici se trouve l’égalité. »

Moi je trouvais que c’était fort
Les hommes égaux devant la mort.
Père dit alors « Tu lis le texte,
Examine aussi le contexte. »

Mon regard devint critique,
Il y avait des dessins de fleurs.
J’en connaissais la symbolique,
L’homme était un libre penseur.

Quand je repense à ces instants,
Merci à Dieu pour mes parents.
Ils m’ont préparée à la vie,
Pas un instant je ne l’oublie.

Pour revenir à l’inscription,
Je la sais maintenant erronée.
La porte de la mort passée,
L’âme atteint sa destination.

Le corps est placé en terre,
L’âme du juste va vers Jésus.
L’âme du pécheur au contraire,
Vers une souffrance continue.

Un jour Jésus viendra régner
Les justes seront ressuscités
Dans un corps de perfection;
Ce sera notre résurrection.

Les injustes vont ressusciter
Pour être jugés, condamnés
Et jetés dans l’étang de feu
À jamais séparés de Dieu.

Ce n’est donc pas l’égalité,
Que l’on trouve dans la mort,
Mais l’accomplissement d’un sort
Dicté par la voie empruntée.

Il y a devant tout humain,
Un carrefour et deux chemins:
Se soumettre, obéir à Dieu
Ou bien faire ce que l’on veut.

Le premier chemin est étroit,
Mais c’est un chemin de vie.
Spacieuse est la seconde voie,
C’est à la mort qu’elle conduit.

Il est écrit: « Choisis la vie. »
Ce n’est pas une obligation.
Dieu ne contraint ni n’asservit.
C’est cependant une condition.

Choisis! Enfer ou Paradis?
Ô, je t’en prie, choisis la vie!

– Annick Markmann

Croise la mort

Quand on poussait la porte, le carillon teintait.
Ses tubes métalliques, s’entrechoquant, chantaient
Une douce mélodie. Monsieur Juquel venait,
Droit et sec dans sa blouse grise, il souriait.

Bonjour, me disait-il, voilà notre trottin!
Alors, mam’zelle, que désire notre couturière?
La couturière, c’était maman. Et sans manière
Je demandais du lin, du coton, du satin.

Bien sûr, tu l’as compris à mon vocabulaire,
Monsieur Juquel vendait au mètre, des tissus.
J’avais huit ans, faisais les courses pour ma mère,
Et ici, comme chez la mercière, j’étais connue.

J’aimais tout de ce magasin. J’aimais l’odeur
D’étoffes neuves et d’apprêts, les grands casiers,
Leurs rouleaux de textiles en ordre bien classés
Selon leurs dimensions, leurs fibres, leurs couleurs.

J’aimais aussi le marchand, et son langage,
J’aimais les mots qu’il employait et ses images.
J’aimais son apprenti prénommé Elgardo,
Que je trouvais, sympa et plutôt rigolo.

On prêtait à Elgard de mauvaises actions
Comme d’avoir volé la voiture du patron.
Mais ce n’était pas mon affaire de le juger.
Elgard n’était pas là, lorsque j’étais entrée.

Je présentai commande et échantillon,
Le vendeur sagement étudia la question.
Il sortit du rayon la pièce souhaitée,
Qu’il posa sur sa longue table graduée.

Puis il déroula la toile ou le crépon,
Il marqua d’un trait la mesure au crayon,
Fit une entaille avec d’énormes ciseaux,
Et en suivant le fil il coupa le morceau.

C’était alors qu’il avait son récit commencé.
Ce que disait cet homme, il fallait l’écouter.
Et pendant qu’il pliait l’étoffe dans un papier,
Le maître de l’échoppe, m’avait ainsi parlé.

Je veux te raconter ce qui m’est arrivé.
J’avais un apprenti qui aimait le métier.
Je lui faisais confiance, il était appliqué,
Il était orphelin, je pensais l’adopter.

Or, un lundi matin, je l’envoie au marché,
Pour acheter des fruits et autres babioles.
Il revient en courant, complètement apeuré,
« Je veux fuir d’ici, prête-moi ta bagnole. »

Je lui fais raconter ce qui si fort l’effraie,
« J’étais dans le marché, quelqu’un m’a bousculé.
Je me suis retourné, La Mort m’observait
Elle était menaçante, alors j’ai décampé.

Je t’en prie, laisse-moi partir à Saint-Genix
Où la Mort ne pourra jamais me retrouver. »
Il irait chez ma sœur, il avait son permis,
Je lui passai les clefs, il partit sans tarder.

Plus tard, au marché, moi-même, je me rendis
Je vis aussi La Mort dans la foule marcher.
Je m’approche et lui dis « Vous avez adressé
Un geste de menace à mon jeune apprenti. »

« Ce geste n’était pas fait pour le menacer,
Mais j’étais étonnée de le croiser ici
Alors que j’avais un rendez-vous fixé
Avec lui, ce soir même, ville de Saint-Genix. »

J’ai dit : « Je l’aimais bien, votre jeune apprenti.
Je crois qu’il vous aimait en retour lui aussi. »
Il avait de la peine le patron d’Elgardo.
Il a pris un coupon et il m’a dit: « cadeau! »

Au chemin du retour je me suis questionnée:
Dans cette affaire, qui avait dit la vérité?
Elgardo avait-il ou non volé l’auto?
Pourquoi était-il mort si jeune, Elgardo?

Lorsque j’ai rapporté à maman les tissus,
Je n’ai pas raconté l’histoire entendue.
Je l’ai gardée pour moi, et me suis demandée:
Le nombre de nos jours est-il vraiment fixé?

– Annick Markmann

En Chartreuse

Lorsque j’avais douze ans, j’aimais tant la montagne,
Ses rochers escarpés, ses sommets orgueilleux,
Avancer d’un pas franc sur ses chemins pierreux,
Respirer ses odeurs qu’un air vif accompagne.

Je montais ce jour-là, pour atteindre la crête,
Le Grand Som et ses pics aux roches acérées.
Du château aux herbages dominant la vallée,
J’avais prévu trois heures auxquelles j’étais prête.

Dans un vieux sac à dos, dont j’étais héritière,
Je portais mon repas et deux bouteilles d’eau.
J’espérais sur les pentes rencontrer le Paulo,
C’était un vieux berger, des amis de mon père.

Mais j’arrivai en haut, sans voir âme qui vive,
Je grimpai dans la croix pour étendre ma vue.
La Chartreuse, ses soms, ses cols, son étendue,
S’offrait d’un seul regard à mon âme émotive.

Tout m’était émotion dans la grandeur des lieux,
Dans l’immense escalier descendant en falaises,
Vers les toitures pentues du couvent des Chartreux,
Dans la gentiane jaune dont l’odeur vous apaise.

Soudain, il était là avec un grand troupeau,
Le berger attendu était un vieux bonhomme,
Barbu, échevelé, ridé comme une pomme.
Il était grand et fort, et portait un fardeau.

Une brebis placée, en écharpe, à son cou
Et il lui parlait avec des mots très doux.
Vois-tu m’avait-il dit, toujours elle s’écartait
De la route sécure où je les conduisais.

Alors une de ses pattes, un jour j’ai dû casser,
Elle va se restaurer, ensuite tout ira bien.
Elle est tout près de moi, ce qui crée un vrai lien
Guérie, elle me suivra sans courir de danger.

Car, c’est moi le berger, je garde mes brebis,
Je choisis les sentiers, et les verts pâturages.
Je sais où sont les sources. J’ai acquis avec l’âge,
Une vraie connaissance, des risques pour leur vie.

Ce soir, par exemple, je mettrai mon troupeau,
À l’abri des grands vents qui menacent l’alpage,
Là- bas, vers ces rochers, où j’ai fait un enclos
Et je dors à la porte, je garde le passage.

Nul ne peut me ravir, une mère, un agneau,
Aucun des prédateurs, n’a accès en ce lieu.
Les loups sont éloignés, par la lumière du feu
Que j’allume et dont la clarté monte haut.

Roulé dans mon manteau, souvent la nuit je prie
Sous l’étendue des cieux, le grand Dieu créateur.
Crois-tu que le hasard, soit source des splendeurs
Qui nous entourent ici, fille de mon cher ami?

Ton père, m’avait-il dit, c’est vraiment un copain;
Je ne dis pas, vois-tu, les choses à la légère,
C’est signe d’alliance que partager le pain,
Il a risqué sa vie pour moi, pendant la guerre.

Allez, salue le bien, salue aussi ta mère !
L’ensemble du troupeau entourait son berger.
Et il est reparti d’un long pas chaloupé,
Au nord-ouest en direction de la Ruchère.

Il me fallait aussi m’en aller, sans tarder.
Car je voulais passer au col du Cucheron,
D’où je redescendrais à Saint-Pierre d’Entre-monts.
Le chemin était long, avant que d’arriver.

Un pas derrière l’autre, j’ai marché sans faiblir,
Repensant aux événements de la journée.
À Paulo, à Jésus dont on m’avait parlé
Comme d’un bon berger, qui allait revenir.

-Annick Markmann

Père et Fils

Un homme avait un fils qu’il aimait tendrement.
C’était son fils unique, un fils né sur le tard.
Le père se faisait vieux, mais son fils maintenant,
Était tout comme lui, expert en œuvres d’art.

Car l’homme était très riche et il collectionnait,
Des pièces inestimables dans sa grande demeure.
Son fils manifestait un œil, un goût parfait,
Des qualités d’homme d’affaire et d’acheteur.

Le vieil homme était veuf, cet enfant le comblait.
Entre ses mains expertes, l’héritage prospérait.
Il se réjouissait de le voir triompher
D’achats fort difficiles, sans jamais renoncer.

Au début de l’hiver, éclata un conflit,
Et le fils dû partir pour servir son pays.
Après quelques semaines, arrive la nouvelle,
Que le fils bien-aimé n’était pas à l’appel.

Le père très inquiet, chaque jour attendait,
Plus d’informations, espérant malgré tout
Que son fils vivait, qu’on le retrouverait.
La mort confirmée lui porta un grand coup.

Le jeune homme décéda, tentant de secourir
L’un de ses camarades blessé dans un combat.
Le père s’en remit mal et Noël arriva.
Un bien triste Noël, sans fils, sans avenir.

Sur le coup de midi, quelqu’un sonne à la porte.
Il s’agit d’un soldat, un paquet dans les mains.
Ami de votre fils, je reste le témoin
De son abnégation et de son âme forte.

Il m’a porté secours, par lui je fus sauvé.
Il en sauva plusieurs, il leur donna sa vie.
Puis-je entrer un instant, et vous montrer ceci.
Touché par ces paroles le père le fait entrer.

Ce fut l’occasion pour le jeune homme de dire
Au vieillard, que son fils parlait souvent de lui,
De leur amour commun pour l’art, de son plaisir
À progresser avec son père pour appui.

Je suis moi-même un peu artiste et j’aimerais
Vous donner cet objet, ouvrage de mes mains.
Le père découvre alors, dessiné au fusain,
Le visage charmant de l’enfant qu’il aimait.

Ce tableau n’était pas une œuvre de valeur,
Mais après que le jeune soldat fût parti,
Le père décrocha de leurs places d’honneur,
Les peintures de Monet, Picasso et Dali.

Et puis il accrocha le portrait de son fils,
De façon à pouvoir souvent le contempler.
Et cet humble dessin faisait tous ses délices,
Éclipsant à ses yeux les œuvres de musée.

Le vieil homme, au printemps, soudain tombe malade,
Plus rien ne le retient sur la terre des vivants.
Il est très bien soigné, mais meurt en peu de temps,
Et le monde de l’art, prépare ses escouades.

La collection de l’homme est vendue aux enchères,
Et elle recelait maint’ œuvres d’exception,
Recherchées, convoitées, souhaitées avec passion,
Qu’on prévoyait atteindre des prix spectaculaires.

Les enchères commencent par un tableau hors liste.
Il s’agissait de vendre un portrait au fusain.
Le commissaire-priseur était entré en piste,
Pour démarrer l’enchère à un prix anodin.

Les minutes passèrent, personne ne bougeait.
Quand, au fond de la salle, un homme s’exclama:
« C’est un portrait du fils, qui se soucie de ça?
Entrons vite dans les choses sérieuses, s’il vous plaît ! »

« Non, nous devons vendre ce tableau en premier.
Qui veut du fils? » Demande l’adjudicateur.
« Je n’ai que cent euros, pouvez-vous accepter?
Je connaissais le fils, faites-moi cette faveur. »

« J’ai là une offre de cent euros, qui dit mieux?
Après un long silence, la décision fût prise,
Une fois, deux fois, trois fois, adjugé à monsieur ! »
Soulagement de tous ces chefs d’entreprises.

« Maintenant, aux trésors ! » s’exclame l’un d’entre eux.
Le commissaire-priseur annonce très sérieux
Que les enchères sont achevées. Jugez du choc.
Les collectionneurs furieux, protestent en bloc.

« Nous venions acquérir des œuvres remarquables.
Ce que vous annoncez nous est inacceptable,
Expliquez-vous. »

L’homme interpellé répondit:
« Le fils mort, un nouveau testament fut écrit
Où selon les dernières volontés de son père,
Quiconque, se serait décidé pour le fils,
Aurait acquis ainsi, tout le reste, gratis. »

-Annick Markmann

Sauvée !

Monique m’avait dit, je ne savais pourquoi,
Je vais voir une amie, viens donc avec moi,
Elle est à l’hôpital et ses jours sont comptés.
Eh bien, j’avais dit oui, je l’ai accompagnée.

Nous sommes arrivées, la femme était âgée,
Elle parut heureuse de pouvoir nous parler.
Elle était agitée et fréquemment pleurait.
La mort n’était pas loin et elle le savait.

Elle nous parla de religion, de son enfance,
Elle avait fait sa communion, sans assurance.
Foutaise que tout cela, nous avait-elle dit.
Elle redoutait la mort comme son ennemie.

Madame, pardonnez-moi, lui ai-je demandé,
Lorsque vous mourrez, où pensez-vous aller?
Elle nous disait n’avoir ni tué, ni volé,
Et pensait que le ciel lui était réservé.

Elle était sans reproche, elle avait fait du bien,
Des œuvres, des attentions, des petits riens.
Elle n’était cependant pas du tout rassurée.
La peur de l’inconnu, une peur inexpliquée.

Vous avez fait du bien, cela a plu à Dieu,
Vos œuvres cependant n’ouvriront pas les cieux.
Car ce sont nos péchés qui nous séparent du ciel,
Bien plus, ils nous condamnent à l’enfer éternel.

Mais Dieu dans son amour a envoyé Jésus,
Et son sang répandu procure le salut.
Il paya mes péchés par la mort de la croix.
Et son expiation fait justice pour moi.

Monique lui disait, je me suis vue perdue,
Mais j’ai mis ma confiance dans la croix de Jésus.
La grâce du salut, Dieu peut vous la donner,
Voulez-vous, lui dit-on, être par lui sauvée?

Et elle avait dit oui, et elle avait pleuré,
Pleuré sur ses péchés, sur la grâce accordée.
Alors dans sa prière, elle avait demandé,
À Dieu de l’accepter et de lui pardonner.

Elle faisait de Jésus son sauveur personnel,
Et un bonheur immense s’était emparé d’elle.
Quand nous sommes parties, elle était rassurée,
Elle nous a souri, nous lui avons souhaité

Bonne route vers le ciel
Et la vie éternelle!

Et quelques jours plus tard, elle s’en était allée.

-Annick Markmann

Poème # 30: Pour toujours

Depuis que je suis jeune, j’ai aimé dans les livres
Découvrir et poursuivre le fil conducteur,
L’intrigue d’un récit palpitant qui enivre,
Vivre avec les héros, ressentir joies et peurs.

Parmi tous les sujets qu’affectionne mon cœur,
Je préfère à coup sûr, ceux d’une délivrance
De la difficulté, de l’angoisse au bonheur,
Et les contes de fées bercèrent mon enfance.

L’évadé d’Alcatraz m’a fort intéressée.
Trois hommes parmi d’autres étaient incarcérés
Dans ce lieu redoutable de hauts murs bordé,
La prison la plus sûre et la mieux surveillée.

Et de plus construite, comme suprême atout,
Baie de San Francisco, à l’écart de tout,
Sur un piton rocheux, dans une mer glacée
Aux courants redoutables, aux requins affamés.

Trois hommes cependant parvinrent à s’enfuir.
S’échapper de l’enfer, nul n’y peut réussir.
Par un étang de feu ce lieu est entouré
Et un gouffre béant le retient isolé.

On y est sans espoir, on ne vit que souffrance.
Pas de mort, pas de fin, pas de deuxième chance
Et pas de purgatoire, c’est un lieu sans issue.
Ceux qui sont en enfer sont à jamais perdus.

Sur leurs chaînes, sur leur tête est écrit « Pour toujours. »
Ce qu’ils voient, leurs pensées disent « Là pour toujours. »
Pour les siècles des siècles, jour et nuit, tourmentés.
L’enfer est éternel, c’est long l’éternité!

Le lieu où va chacun se joue avant la mort,
Rien ne pourra ensuite en modifier le sort.
L’éternité te garde tel que la mort t’appelle,
L’existence de l’enfer trop tard se révèle.

On ne peut en sortir, on peut y échapper,
Jésus est la victoire triomphant du péché.
Sa mort sur la croix scelle une voie nouvelle,
Le salut par la foi, non l’enfer éternel.

-Annick Markmann

Trop tard!

J’ai entendu un jour le récit peu banal
De l’aventure vécue par un chrétien normal.
À ma manière, je vais essayer de transcrire
Ce que l’homme en question était venu nous dire.

J’arrivais, disait-il, ce soir-là chez ma mère.
J’avais les jambes lourdes et le cœur chagrin.
Je revenais près d’elle, lui conter mes misères,
Elle m’avait consolé, soigné comme un gamin.

Puis je m’étais couché pour passer la nuit,
Dans le lit de l’alcôve attenante au salon.
J’étais très fatigué, je me suis endormi,
Plongeant rapidement dans un sommeil profond.

Quelle fût la durée de ce temps d’inconscience?
Je ne saurais le dire quand je me retrouvai
Debout près de mon lit où je prenais conscience
Que mon corps était là, allongé, qu’il dormait.

J’ai entendu et vu ma mère qui pleurait.
Le médecin de famille était auprès d’elle.
Il venait de signer un acte officiel.
De la mort de son fils, il la consolait.

Et puis je suis parti plus vite que l’éclair.
Dans le bleu, tellement bleu du ciel, je montais
Jusqu’à apercevoir une immense lumière
Et une grande porte qui devant moi s’ouvrait.

Alors je suis entré dans un lieu admirable.
J’ai vu de grands jardins où mille fleurs poussaient.
Le sol était d’or pur, les couleurs incroyables,
La paix et la beauté en ce lieu habitaient.

Un homme s’avança vers moi, il rayonnait
De tendresse et d’amour et aussi de lumière.
Il marchait lentement, son vêtement brillait
Comme brille la neige sous un soleil d’hiver.

Il me dit: « Te voilà, mais ce n’est pas ton heure.
Il te faut retourner sur la terre prêcher.
Tu peux sauver des âmes, être prédicateur,
Annoncer le Royaume, l’abandon du péché. »

« Oh, non Seigneur, lui avais-je rétorqué,
Je veux rester ici, près de toi, c’est si beau!
Les hommes ne veulent pas se repentir, changer,
Ils ne veulent pas de toi, ça m’est un lourd fardeau. »

« Alors viens! » m’a-t-il dit, me prenant par la main.
Et il me conduisit sur un étroit chemin.
Ce chemin surplombait une vallée profonde,
Une fumée blanchâtre montait de ce lieu sombre.

On ne pouvait pas voir le fond de cet abîme,
Mais des gémissements, des cris s’en échappaient,
Comme une multitude affaiblie qui hurlait.
Il semble que d’en bas, on nous vit sur la cime,

Car des voix en grand nombre alors s’élevaient,
Dans les pleurs et les cris, on pouvait distinguer
Cette supplication mille fois répétée:
« Pardon, Seigneur ! Seigneur, pardon ! Pardon ! »

Alors la voix puissante du Seigneur plein d’amour,
De celui qui est mort pour payer nos péchés,
Cette voix s’élevait, en écho alentour:
« Trop tard! C’est trop tard! Trop tard! »

Nous sommes revenus ensemble à la porte.
« Retourneras-tu, maintenant, dit le Seigneur? »
Ils résonnaient en moi, les mots et la voix forte.
« Oui, ai-je répondu, maintenant, j’irai ! »

Je me suis retrouvé dans mon corps à l’instant,
Le médecin partait, il parlait à maman.
Et j’ai ouvert les yeux, j’ai souri à ma mère,
Puis je me suis assis, j’ai mis les pieds à terre.

C’est pourquoi, disait-il, me voici parmi vous.
Aujourd’hui, sans attendre, pour Christ, décidez-vous.
Il est mort sur la croix, faites aussi votre part,
Il faut vous repentir avant qu’il soit trop tard.

– Annick Markmann