Avoir peur

Tout commença quand la maman de Nicole,
Que nous avions hélée pour partir à l’école,
Nous dit avec angoisse, que notre amie souffrait
De maux de ventre si violents, qu’elle restait.

Au programme du jour, contrôle de grammaire
Sur les conjugaisons, les règles du sommaire.
Nicole n’apprend pas ses leçons d’où la peur
De se faire gronder, source de ses douleurs.

En marchant vers l’école, nous en avions parlé.
Comme c’était notre tour de faire un exposé,
Nous pourrions essayer de faire un court bilan
Sur le rôle que joue la peur, dans la vie des gens.

Nous partions du principe que la peur est utile,
Qu’elle est un garde-fou qui protège des tuiles.
Elle pressent les menaces, évite les dangers ;
Prudence et vigilance, lui furent attribuées.

Nous aimions bien Hortense vivant maintenant seule
Dans sa maison étroite aux volets vert tilleul.
Marius étant mort, elle devenait bizarre.
Nous commencions par elle, ce n’était pas hasard.

On frappe, elle nous ouvre. Nous lui tendons nos fleurs,
Bouquet de fleurs sauvages aux multiples senteurs.
Elle nous embrasse alors, nous mouillant de ses larmes
Puis se met à parler de tout ce qui l’alarme.

Car, la voilà dit-elle, seule, sans protection,
Saisie d’une panique dont elle ignore le nom.
Elle a peur de la foule, elle a peur de tomber.
Elle ne peut plus sortir sans être accompagnée.

Nous sommes très émus de la voir affligée,
Nous mettant sur sa liste pour l’accompagner.
Nous avons cependant, le sentiment certain,
Qu’Hortense aurait besoin de se reprendre en main.

Chez ses parents, ensuite, nous visitons Romain.
Il est dans notre école, c’est un gentil copain.
Invité par des grands, un soir pour le dîner,
Il avait vu un film qui l’avait bouleversé.

« Meurtres à la tronçonneuse. » Mais aussi, quelle idée ?
Car les films d’horreur, mieux vaut les éviter.
Depuis ce soir maudit, Romain ne va pas bien,
Ses pensées sont terribles, et de peurs il est plein.

Il a peur, lorsqu’il voit le moindre objet tranchant,
De s’en saisir afin de tuer ses parents.
C’est une peur panique qui a pouvoir sur lui.
Il a peur de tuer et n’en dort plus la nuit.

Alors, il ne veut pas rester seul un instant,
Dans la crainte du meurtre au pouvoir obsédant.
Sa famille est inquiète, l’entoure de ses soins,
Et les médicaments ne lui font aucun bien.

Nous rencontrons Nanou, sa phobie des souris.
Christophe a eu neuf ans, il a peur de la nuit.
Là nous avons pensé, ce sont des peurs d’enfants,
Qui les dispensent aussi des travaux embêtants.

Madame Brun nous voit, nous invite à entrer.
Chez elle c’est gâteau, chocolat chaud, ou thé.
Elle nous questionne et s’intéresse à notre étude.
La peur n’est certes pas, un problème qu’elle élude.

J’ai habité, dit-elle, à Lyon, chez ma sœur,
Au huitième, avec vue magnifique, ascenseur.
Mais je montais à pied, je prenais l’escalier,
J’avais peur de rester dans la cage enfermée.

Jusqu’au jour où j’ai dit : « Eh bien, cela suffit!
Je vais vaincre l’obstacle à partir d’aujourd’hui. »
J’ai appuyé sur le bouton, la porte s’est ouverte.
J’étais brisée de peur, mais ma foi s’est offerte.

« Seigneur, ai-je prié, merci pour l’ascenseur
Qui fonctionne très bien, je refuse la peur. »
La porte s’est fermée, j’étais seule dans la cage.
La peur m’avait quittée, je n’en fus plus l’otage.

Nous avons questionné Pierre, Paul, tous nos voisins.
Tous étaient dans la crainte quant à leurs lendemains.
Crainte de voir les hommes un jour détruire la terre.
Crainte de l’étranger, d’être dans la misère.

Obsession de vieillir, de la mise à l’écart,
De ne pouvoir rester chez soi, d’être tocard,
De n’être pas aimé, ou d’être rejeté,
Peur de la mort, d’être malade, handicapé.

Peur de devenir fou, de ne pouvoir se contrôler ;
Lorsqu’il ne le faut pas, peur de rire, de hurler.
La plupart des peurs demeuraient infondées,
Mais elles étaient venues s’ancrer dans les pensées.

Je me souviens encore de notre conclusion :
Que la peur est terrible dans ses oppressions,
Qu’on peut lui résister avec l’aide de Dieu,
Qu’il nous fallait apprendre à être courageux.

-Annick Markmann