Le martyre de Blandine

J’aimerais m’attaquer à un autre sujet : les martyrs pour la foi. Je compte donc partager quelques récits de martyrs, tirés, le plus souvent, du Miroir des martyrs.

Voici le premier: Blandine (connue en France, et particulièrement à Lyon, sous le nom de Sainte-Blandine).

MATUR, SANCTE, BLANDINE ET UN JEUNE DU PONT,
TRÈS MISÉRABLEMENT TOURMENTÉS, DANS LA VALLÉE DU RHÔNE,
VERS L’AN 172

Il est manifeste d’après les auteurs anciens, qu’au temps où Attale fut immolé, divers autres martyrs furent également mis à mort pour l’amour de Jésus-Christ, presque de la même manière, ou du moins avec des tourments tout aussi grands. Certains de ces martyrs ne sont pas mentionnés, tandis que d’autres le sont, en l’occurrence : Matur, Sancte, Blandine et un jeune de quinze ans, originaire du Pont*. Concernant les circonstances de leurs souffrances et de leur mort, nous constatons qu’en substance, cela se produisit comme suit :

Premièrement, trois des personnes mentionnées ci-dessus, c’est-à-dire, Matur, Sancte et Blandine, furent extrêmement et terriblement tourmentées, en particulier Blandine, pour laquelle les autres craignaient beaucoup, que, ne pouvant supporter la douleur, elle puisse être en danger de renier Christ. Mais elle fut si ferme dans toutes ses souffrances que les mains des bourreaux se fatiguèrent avant que son cœur ne défaille. C’est un sujet de grand étonnement, ce que Eusèbe de Césarée a écrit à son sujet, à savoir que les bourreaux commencèrent tôt le matin et continuèrent à la tourmenter toute la journée jusqu’au soir, de sorte qu’ils furent très étonnés : comment était-il possible que la vie ne soit pas encore éteinte en elle ? Cependant, il explique cela en disant que chaque fois qu’elle répétait sa confession en criant « je suis chrétienne », son cœur se fortifiait, de sorte qu’elle était à nouveau capable d’endurer la douleur.

Sancte, qui était diacre, ou l’un de ceux qui servaient les pauvres, fut tourmenté avec des plaques de cuivre chauffées à blanc, qui furent appliquées sur son ventre. Étant interrogé, entre-temps, sur son nom, sa filiation et son pays natal, il ne nomma ni l’un ni l’autre, mais dit simplement : « Je suis chrétien, c’est mon nom, ma filiation et mon pays ; en effet, je ne suis en somme rien d’autre qu’un chrétien. » Cela enflamma les tyrans d’une rage indescriptible contre lui, et ils continuèrent à le tourmenter sur tout son corps, à tel point qu’il n’était qu’une seule blessure. Mais il resta sans peur et imperturbable, car la chaleur du feu était tempérée par les consolations célestes de Jésus-Christ, qu’il éprouvait dans son âme.

Matur fut traité presque de la même manière et resta tout aussi ferme. Après avoir été terriblement tourmentées, les trois personnes citées plus haut furent de nouveau jetées en prison. Puis ils furent de nouveau retirés de la prison et tourmentés une fois de plus ; d’abord Blandine, puis Matur et Sancte. Selon Eusèbe, le mode de torture fut une flagellation intense, mais Abr. Mellinus déclare : « Ils furent flagellés une deuxième ou une troisième fois avec toutes sortes de verges, ainsi que battus avec desbâtons, des gourdins et des piques barbelées à trois pointes, et aussi pincés, coupés, lacérés et déchirés avec toutes sortes de crochets, de couteaux tranchants, de griffes, de pinces et de peignes en fer. » Finalement, lorsque plusieurs milliers de personnes se furent rassemblées au sein de l’amphithéâtre, Matur et Sancte furent placés, de la même manière qu’Attale, sur des chaises de fer, sous lesquelles un grand feu fut allumé, de sorte que leur chair, lacérée par de nombreuses meurtrissures, fut aussitôt consumée par le feu ; cependant, lorsque les ennemis de la vérité virent que leur esprit était inébranlable, ils les décapitèrent tous deux.

De Blandine, il est précisé qu’elle fut étendue en croix et attachée à un pieu, pour être jetée comme nourriture devant les bêtes sauvages ; cependant, elle fut de nouveau emmenée et conduite en prison. Mais ensuite, le dernier jour des jeux, elle fut de nouveau présentée à la foule, avec un jeune du Pont (dont nous avons parlé plus haut), et qui, par commandement du juge, avait été témoin des souffrances et de la mort des précédents martyrs, afin de semer la terreur dans son cœur. Étant placés au milieu du lieu d’exécution, devant le juge, il leur fut commandé de jurer par les dieux, ce qu’ils refusèrent de faire, réprouvant en même temps l’idolâtrie des païens. Les païens en furent très révoltés et les tourmentèrent de nouveau grandement, oui, à tel point que le jeune homme, incapable de le supporter, rendit l’âme. Blandine se réjouit si grandement (de la fermeté du jeune défunt, qu’elle avait adopté comme son fils, ainsi que de la mort de ses fidèles amis qui avaient combattu avant elle) qu’elle bondit de joie lorsqu’elle fut battue par les tyrans. Concernant sa mort, il est raconté qu’elle fut rôtie sur un gril, puis enroulée dans un filet, jetée devant des taureaux, qui la jetèrent souvent très haut avec leurs cornes, puis la laissaient encore retomber. Cependant, comme elle n’était pas encore morte, le juge commanda de l’égorger, ce qui fut fait ; bien que d’autres disent qu’elle fut transpercée par une épée. C’est ainsi que cette pieuse martyre, et les trois autres martyrs de Jésus, finirent leurs vies, et attendent maintenant la récompense bénie que le Seigneur donnera au grand jour de la récompense à tous ceux qui auront souffert et combattu jusqu’à la mort, pour l’amour de Son nom. Comparez avec Euseb., lib. 5, cap. 1-3, edit. Dort, 1588, fol. 81-86 avec Abr. Mell., 1er livre, fol. 43, col. 2-4, à propos de Blandine et Pontique ; aussi, fol. 44, col. 1, 2, sur Sancte et Matur. Aussi, Introduction, etc., fol. 38, col. 1, 2. Aussi, J. Gys, 1657, fol. 17, col. 3, 4.

——————————————

* Connu sous le nom de Pontique, ou Ponticus, en français — NDLT

Le Miroir des martyrs

L’anabaptiste « Frédéric Willemsz [Dirk Willems] pris après avoir sauvé la vie de l’un de ses poursuivants et ensuite brûlé hors d’Asperen, 1569 », planche 82 du Miroir des martyrs.

Le Miroir des martyrs (en néerlandais De Martelaersspiegel) est un ouvrage très important pour tout chrétien qui croit que Dieu a préservé son Église à travers les âges, comme promis dans les Saintes Écritures (Matt 16.28; 1 Thess 5.23-24; Matt 28.20; Jean 10.28-29; Phil 1.6; etc.). Publié pour la première fois en 1660 en néerlandais par le ministre anabaptiste Thieleman Janszoon van Braght (1625-1664). Son titre original complet est : « Het bloedigh toneel, of Martelaers-Spiegel der Doops-Gesinde of Weerloose Christenen, die om ‘t getuygenis van Jesus haren (hun) Salighmaker geleden hebben ende gedood zijn van Christi tijd af tot desen tijd toe ». (Théâtre sanglant ou miroir des martyrs chrétiens [ana]baptistes appelés sans défense, qui ont souffert et ont été tués pour le témoignage de Jésus leur Sauveur depuis l’époque de Christ jusqu’à aujourd’hui.)

Thieleman Janszoon van Braght était le fils d’un marchand-tisserand. Il exerça un temps la même profession que son père, tout en étudiant la Bible et diverses langues (hébreu, grec, latin, français et allemand). En 1648, il fut nommé prédicateur dans sa ville natale et exerça cette fonction pendant 16 ans, jusqu’à sa mort. Très vite, il se fit connaître à travers des prédications de rues dans lesquelles il exposa ses visions anabaptistes. Possédant une grande connaissance des Écritures et de l’histoire du christianisme, il se livra aussi à des disputes théologiques avec des protestants, en particulier au sujet du pédobaptême que les anabaptistes réfutent.

En 1660, après des années de recherches et de travail, il publia une première édition de ce qui deviendra son plus célèbre ouvrage, le Miroir des martyrs. Une somme retraçant l’histoire des martyrs chrétiens du Ier au XVIIe siècle. En 1685, le Miroir des martyrs a été illustré de 104 eaux-fortes de Jan Luyken. Il y a des rumeurs qu’il y aurait eu une traduction en français au tout début du XVIIIe siècle, mais il n’en reste pas de traces tangibles, et seulement des parties de cet ouvrage sont aujourd’hui disponibles en français. Il a été traduit en allemand en 1745 par la communauté dite d’« Ephrata Cloister », située en Pennsylvanie : avec ses 1512 pages, cette édition est le plus gros livre imprimé en Amérique avant la Révolution américaine. Il fut traduit en anglais en 1837. SVP priez pour qu’il soit bientôt disponible en français!

Cet ouvrage rassemble des témoignages et des récits concernant les apôtres, les premiers chrétiens, vaudois et anabaptistes (parfois appelés baptistes) qui sont morts en martyrs. Il est considéré comme un texte majeur pour beaucoup de familles mennonites, et serait le second livre le plus fréquemment possédé parmi eux, après la Bible, bien-sûr.

On y découvre aussi le récit de nombreuses persécutions qui prirent place continuellement entre le Ie siècle et le milieu du XVIIe siècle, les témoignages des 3 derniers siècles étant souvent rédigés par des témoins proches des faits ; des documents historiques inestimables y figurent in extenso. Par exemple, la correspondance entre la ville de Berne qui persécutait ses anabaptistes et les autorités hollandaises qui le lui reprochaient ; les édits organisant la répression ou l’expulsion ; des minutes de procès ; des événements survenus dans tel ou tel village ; ou encore des listes nominatives de victimes…

Voici ce que l’éditeur du livre dit dans sa préface :

La succession ecclésiastique peut être considérée de deux façons : premièrement, en ce qui concerne la succession des personnes ; deuxièmement, en ce qui concerne la succession de la doctrine.

Celle-ci est un signe et une preuve du premier, de sorte que le premier ne peut subsister sans ce dernier. Là où ce dernier est, on n’a pas besoin de chercher le premier avec tant d’attention. Mais là où les deux sont trouvés en vérité, il ne faut pas douter qu’il y ait aussi la véritable Église de Dieu, dans laquelle Dieu habite et marche ; qui a la promesse d’une vie éternelle et heureuse ; et dont les saintes Écritures enseignent et se glorifient.

Ici les paroles de Tertullien sont applicables. Il dit : « L’Église chrétienne est appelée apostolique non seulement à cause de la succession des personnes, mais à cause de la parenté de la doctrine, puisqu’elle détient la doctrine des apôtres ».

Cette doctrine, quiconque se vante de la véritable succession doit prouver à partir des écrits apostoliques, les moyens par lesquels l’Église a été initialement instituée, établie et maintenue par la suite. Par conséquent, cette doctrine doit nécessairement, aussi dans ces derniers temps, être la marque de la véritable succession.

La question sera maintenant : dans quelle Église la vraie doctrine apostolique a-t-elle été tenue depuis le début, et y est-elle toujours tenue ? C’est un privilège dont beaucoup se vantent. Nous les laissons à eux-mêmes et nous contentons du témoignage de notre conscience, par rapport au saint Évangile du Christ et à la foi de la sainte Église, dont il est fait mention dans les anciennes histoires ecclésiastiques.

Thieleman van Braght, introduction au Miroir des martyrs, 1659 (paru sur le blogue de Bob Goodnough, Témoin anabaptiste)

Il apparaît donc clairement que le Miroir des martyrs est un ouvrage précieux pour comprendre comment il y a toujours eu une Église de vrais chrétiens, éparpillés dans diverses régions du monde, qui n’ont pas cédé à la sécularisation de la majorité de l’Église qui est finalement devenue l’Église catholique romaine, mais qui ont toujours persévéré dans une foi simple et non-résistante, par la force du Saint-Esprit de Dieu, par le moyen de la nouvelle naissance.

Si nous croyons cela, il devient plus clair comment Dieu a protégé son peuple et son Église à travers les temps, et cette foi, pour laquelle tant de frères et de sœurs ont donné leur corps mortel en sacrifice, devient d’autant plus précieuse.

Puissiez-vous également être inspirés par les récits de ce livre.

Voici des informations pour vous procurer des livres contenant une partie de cette histoire.

Dans le ventre de la baleine et autres histoires de martyrs chrétiens (In the Whale’s belly) James Lowry

Les Éditeurs Lampe et Lumière (pas de site web ni d’adresse courriel disponible)
26 Road 5577
Farmington, NM 87401-1436, É.-U.
Tél. : 505-632-3521 Téléc. : 505-632-1246

ou

Extraits du Miroir des Martyrs: Histoires d’anabaptistes ayant donné leur vie pour leur foi (récits paraphrasés ou résumés datant cependant surtout du 16e siècle).

Version anglais complète disponible en ligne : https://www.homecomers.org/mirror/contents.htm

ou