Article publié dans le Messager de la Vérité, 11 décembre 2024
Au milieu des années 1970, nous rendions visite à un parent et nous l’écoutions exposer l’enseignement prémillénariste. Il a dit, avec une assurance considérable : « Je crois que le Seigneur reviendra d’ici 1990. » J’ai réfléchi un moment, puis je lui ai demandé : « Es-tu prêt ? » « Non », m’a-t-il répondu.
Selon ce que je lis dans la Bible, il est beaucoup plus important d’être prêt à rencontrer le Seigneur à tout moment que de savoir quand ce moment pourrait arriver. Mais j’avoue que j’ai autrefois cru la même chose que mon parent. Un an après notre mariage, le pasteur de l’Église que nous fréquentions a enseigné une série d’études bibliques tout au long de l’hiver sur la doctrine prémillénariste dispensationaliste. Nous étions de nouveaux chrétiens et nous nous en sommes imprégnés. Après tout, il citait des versets de la Bible ; cela semblait avoir une solide base biblique.
Mais il y a un problème : j’aime lire. J’ai donc commencé à acheter des livres d’auteurs prémillénaristes bien connus, comme Hal Lindsey, John Walvoord, Dwight Pentecost et d’autres. Ils citaient les Écritures et expliquaient comment elles s’appliquaient aux événements actuels. Cela semblait tout à fait plausible, même si j’ai remarqué des divergences dans leurs interprétations, car le déroulement des événements actuels ne correspond pas toujours aux prédictions des auteurs et des prédicateurs.
J’ai été vraiment surpris lorsque j’ai lu un livre plus ancien de Lewis Sperry Chafer. Les autres auteurs que j’avais lus étaient diplômés du séminaire théologique de Dallas ; deux d’entre eux y étaient enseignants. Chafer était le fondateur du séminaire théologique de Dallas. Dans ce livre du début des années 1930, il proclamait que Benito Mussolini était l’Antéchrist. Au moment où j’ai lu le livre, Mussolini avait déjà connu une chute et une fin peu glorieuse. Cela souleva un gros point d’interrogation. Une question encore plus grande fut soulevée par sa déclaration selon laquelle l’appel à la repentance ne s’appliquait qu’aux Juifs, car, voyez-vous, les Juifs avaient rejeté Jésus. Les Gentils (païens) ne portent pas cette culpabilité et n’avaient pas besoin de se repentir ; ils devaient simplement croire en Jésus comme leur Sauveur. Je vis cela comme une contradiction totale avec ce que l’apôtre Paul dit aux Athéniens, disant que Dieu appelle maintenant tous les hommes partout dans le monde à se repentir (Actes 17.30).
Avec le temps, toute la structure de la doctrine dispensationaliste prémillénariste commença à ressembler à un fragile château de cartes. En effet, toute la doctrine du Millénium s’appuie sur un seul verset (Apocalypse 20.4), mal interprété. Je l’abandonnai et je revins au vieil enseignement selon lequel un jour viendra où Jésus reviendra une seule fois, un jour appelé « la fin du monde », jour qui pourrait arriver n’importe quand, car même au temps des Apôtres, la plupart des chrétiens pensaient que toutes les prédictions liées à la fin des temps étaient accomplies ou sur le point de l’être et les vaudois croyaient de même vers la 1200 (c.f. La noble leçon). À ce moment-là, il appellera tous les hommes, ceux qui sont vivants et ceux qui sont morts depuis longtemps, au jugement. Certains iront au tourment éternel et d’autres à la béatitude éternelle. Ce que la Bible enseigne en réalité est assez simple. La Bible enseigne qu’il est inutile de spéculer sur le moment et les circonstances de la fin (Actes 1.7 et Matthieu 24.36).
Plus tard, j’ai découvert que l’enseignement d’un Antéchrist des temps modernes qui établirait un royaume mondial et serait ensuite détruit par le Seigneur à son retour provenait de l’Église catholique romaine. Les anabaptistes qualifièrent, pendant au moins mille ans, l’Église catholique et le pape d’Antéchrist, ce qui signifiait non seulement qu’ils s’opposaient à Christ, mais qu’ils prétendaient prendre sa place. Un écrit vaudois du sud de la France datant de 1100 apr. J.-C. raconte comment l’Antéchrist avait remplacé le Saint-Esprit par ses cérémonies, faisant dépendre le salut du baptême par un prêtre catholique romain plutôt que du Saint-Esprit. Les cérémonies catholiques romaines promettaient les bienfaits du christianisme sans nécessiter de lien personnel avec Dieu ou le Saint-Esprit.
Le titre du pape, qui le proclame « vicaire » de Jésus-Christ, soit celui qui exerce tout le pouvoir et toute l’autorité de ce dernier sur Terre, équivaut à désigner le pape comme étant l’Antéchrist. Menno Simons qualifie souvent l’Église catholique romaine d’Antéchrist. Les réformateurs adoptèrent le terme d’Antéchrist et l’appliquèrent au pape et à l’ensemble du système catholique. Finalement, l’Église catholique dut faire quelque chose, alors quelques érudits jésuites écrivirent des livres donnant une image différente de ce que la Bible entendait par Antéchrist.
L’un d’entre eux était Manuel Lacunza (1731-1801), un jésuite chilien, qui prétendait dans son livre être un juif érudit nommé rabbi Juan Josaphat ben Ezra. Il décrivait l’Antéchrist comme un chef religieux et politique mondial qui apparaîtrait à la fin des temps et serait détruit par le retour de Christ. Ce livre, écrit en espagnol, fut traduit en anglais vers 1826 et excita l’imagination d’un certain nombre de personnes, le plus célèbre étant John Nelson Darby. Darby avait été avocat, puis ministre de l’Église d’Angleterre (anglicane), et dans sa désillusion envers cette Église, il décida qu’il n’y avait plus d’Église. Il parla de la ruine de l’Église, affirmant qu’elle était en ruines et qu’elle ne pouvait pas être reconstruite, restaurée ou ressuscitée. Il ne reste plus aux chrétiens que de se rassembler et de prier sans la structure et l’ordre d’une Église.
D’après Darby, s’il n’y avait plus d’Église, alors de nombreux passages de la Bible qui s’appliquaient à l’Église devaient s’appliquer à une époque future. À partir de là, il continua à élaborer sa doctrine prémillénariste et dispensationaliste, affirmant que Dieu avait offert le salut à l’humanité de six manières différentes et que chacune d’entre elles avait été un échec. La dernière était l’Église, et elle aussi avait été un échec ; par conséquent, ces versets doivent s’appliquer à une époque future où Jésus régnerait sur le monde pendant mille ans, depuis Jérusalem. Darby élabora tout un plan incluant l’enlèvement, sept années de tribulations, puis le retour de Christ, un règne de mille ans, et, à la fin de ce merveilleux et paisible règne de mille ans, les gens se rebelleraient contre Christ, ce qui conduirait à la bataille d’Armageddon et au jugement final, les gens étant assignés soit à l’enfer, soit au ciel.
Rien de tout cela n’apparaît lorsque vous lisez la Bible. Il faut un guide pour « comprendre » ce système, il ne vient pas à l’esprit spontanément lorsqu’on lit la Bible sans influence extérieure, c’est pourquoi il existe tant de livres pour vous aider à comprendre cette doctrine, tous basés sur l’imagination plutôt que sur les mots simples de l’Écriture. Darby prit le verset de l’apôtre Paul sur la division correcte de la parole de vérité comme une autorisation de découper les versets de la Bible en petits morceaux et de les réorganiser pour arriver à son plan. C’est ainsi que notre pasteur nous avait enseigné de nombreuses années auparavant. Il ne prit jamais un passage biblique entier pour l’expliquer. Il a pris des petits morceaux ici et là et les a rassemblés d’une manière qui était convaincante à ce stade de notre vie chrétienne. Mais nous ne sommes pas restés convaincus ; l’ensemble ne se tient tout simplement pas.
L’apôtre Pierre met en garde contre l’utilisation abusive des paroles de Paul, disant qu’il y a des choses difficiles à comprendre dans ses écrits, « que les personnes ignorantes et mal assurées tordent, comme les autres écritures, à leur propre perdition » (2 Pie. 3.16). Le mot « tordre » signifie ici pervertir, déchirer, ce qui est une description appropriée de ce qui se passe lorsque certaines personnes pensent qu’elles divisent correctement l’Écriture. « Diviser » signifie couper droit, enseigner correctement la vérité.
Quant à l’enlèvement secret des saints, cette idée ne vient pas de la Bible et était complètement inconnue avant 1830. C’était l’année où Margaret MacDonald, une jeune Écossaise de quinze ans, rêva que le Seigneur allait enlever son peuple de la terre avant la grande tribulation. Darby était l’un de ceux qui vinrent écouter le rêve de cette jeune femme, et [soit sous l’influence de Lacunza ou celle de Margaret MacDonald, qu’il critiqua pourtant] il l’incorpora dans sa doctrine prémillénariste.
Je suppose que Darby croyait ce qu’il enseignait. Au début du mouvement des Frères de Plymouth, il était décrit comme une personne douce et gentille qui communiait librement avec tous ceux qui professaient la foi en Jésus-Christ. Après avoir présenté sa doctrine prémillénariste dispensationaliste et que certains autres Frères de Plymouth ne voyaient pas les choses de la même manière, il se mit à défendre son enseignement. Il cessa de communier avec quiconque ne voyait pas les choses comme lui. Puis il coupa la communion avec quiconque avait des relations avec ceux qui ne pensaient pas comme lui. Finalement, il est devenu le chef de son petit groupe exclusif de Frères de Plymouth, passant d’un homme humble qui fraternisait avec n’importe qui à un pape virtuel de son petit groupe.
Ce n’est pas seulement Darby qui s’empara de cet enseignement de l’Antéchrist des derniers jours ; il existe d’autres stratagèmes. Mon père avait l’habitude d’écouter l’émission nationale canadienne « Back to the Bible Hour » tous les dimanches matin. Ernest Manning, qui était également le premier ministre de l’Alberta, parlait de Gog et Magog et de la Grande Ourse, de la Russie, et de la façon dont ils allaient attaquer Israël, ce qui conduirait à la bataille d’Armageddon. Plus on étudie le prémillénarisme, plus il devient fragile.
Les préceptes de Jésus-Christ et de nos ancêtres anabaptistes-mennonites nous enseignent que la chose la plus importante est la façon dont nous vivons notre vie au jour le jour. Nous devrions refléter la vie de Jésus-Christ en nous et fonder notre salut sur une véritable repentance, une nouvelle naissance et la communion du Saint-Esprit afin d’être sûrs de marcher avec Dieu, de l’aimer, d’aimer notre prochain comme nous-mêmes et d’être prêts à tout moment pour le retour de notre Sauveur. C’est là le point important : peu importe quand ou comment il viendra. Nous pouvons penser connaître une date, mais que se passera-t-il si nous sommes heurtés par une voiture demain alors que nous traversons la rue ? Sommes-nous prêts ? C’est la question la plus importante.
Bob Goodnough, Delisle, Saskatchewan, Canada
