L’étroit chemin longeait les plages de galets.
Il était enchâssé dans le bois des feuillus,
Se couvrait d’ombres grises, de lumière ténue,
Et mille feuilles mortes à notre pied, craquaient.
Tout était animé au couvert des ramures.
Le vol des insectes était pur mouvement,
L’appel du loriot se faisait doux murmure,
L’air vibrait des volées de cloches d’un couvent.
Nous marchions silencieux, observant alentour,
Dans l’intervalle ouvert entre les troncs moussus,
Les eaux bleu-émeraude du grand lac étendu,
L’immensité du ciel et le vol des vautours.
Soudain là, devant nous, s’ouvrait une clairière.
La clarté du soleil semblait s’y concentrer.
Des cèdres du Liban, d’immenses marronniers,
S’élevaient au-dessus de hauts murs de pierre.
L’ouverture d’une porte dans l’enceinte dressée,
Nous permettait de voir des parterres soignés
Un parc luxuriant, des fleurs recherchées,
Une maison de Maître, son immense escalier.
Jailli d’on ne sait où, un homme s’est avancé,
À son tablier vert, sa coiffure, ses sabots,
On devinait sans peine, que du jardin si beau,
De cette exubérance, il était façonnier.
Il venait pour fermer la porte dérobée,
Il nous a salués, nous lui avons parlé.
Il était du domaine le seul jardinier,
Il attendait son maître qui s’était absenté.
Reviendrait-il bientôt, il ne le savait pas,
Chaque jour son maître pouvait se trouver là.
Aussi tout était prêt, les allées balayées,
Les buis étaient taillés, et les fruits ramassés.
Les vases étaient fleuris, le ménage soigné,
Sa femme travaillait aussi à l’entretien.
Ils pouvaient manger des produits du jardin,
Et habitaient un petit pavillon isolé.
« À ce maître dit-il, je suis reconnaissant,
Il m’a sauvé la vie lorsque j’étais enfant.
En ce temps-là, le lac gelait tous les hivers,
La glace était fragile, près de l’embarcadère.
Chaussé de mes patins, tranquille je m’élançai,
Le maître travaillait dans son bateau à quai.
Dans un craquement sec, la glace se rompit,
Je m’enfonçai sous l’eau en poussant un grand cri.
Il m’avait entendu, il m’avait repêché,
Et ramené chez lui, pour me réchauffer.
Vous voyez disait-il, je serais bien ingrat,
Si tout n’était pas prêt, lorsqu’il reviendra.
Ses chères orchidées, je soigne avec passion.
Et j’ai même crée par pollinisation,
Des espèces superbes, que nul ne détient.
Je l’attends impatient, faisant valoir ses biens.
Voilà, avait-il dit, bonne continuation ! »
« Attendez ai-je dit, encore une question :
Il vous a quittés depuis combien de temps ? »
« C’était pour l’ascension, il y a …deux mille ans ! »
Et dans un rire joyeux, il ferma le battant.
Annick Markmann