Te souviens-tu de la Lisette ?
J’en parle à toi qui l’as connue.
Moi, je la trouvais plutôt chouette,
Comme tous les gars de l’avenue.
C’était une fille coquette
Qui marchait toujours les pieds nus
Dans ses sandales à talonnettes,
Prenait grand soin de sa tenue.
Voyait ses amants en cachette,
Mais cela m’était inconnu.
J’ai vraiment côtoyé Lisette,
En militant pour le salut.
Elle a quitté ses amourettes,
Et s’est décidée pour Jésus.
J’ai visité sa maisonnette
Étroit logis dans notre rue.
Sa demeure était proprette
Et son mobilier bien tenu.
Délicats comme l’était Lisette
Et petits comme sa vertu.
Elle a changé, douce Lisette
Et son passé lui a déplu.
On la baptise et place nette,
Commence sa vie en Jésus.
Les années passent. Vieille Lisette
Est seule chez elle, toute chenue.
Mais elle a perdu de l’assiette
Et dans un faux pas, elle a chu.
D’hôpital en maison de retraite,
Notre Lisette est soutenue.
Sous prétexte de sécurité parfaite,
Son indépendance est perdue.
Elle fut plumée, l’alouette.
Par sa famille, maison vendue.
Finis ses meubles, sa vie douillette,
C’est à l’hospice qu’on l’a rendue.
Elle s’affaiblit dans la disette
Et peu à peu, ne marche plus.
Les visites se font simplettes,
Car notre Lisette s’est tue.
Pour manger, elle porte bavette,
Infantiliser, c’est connu.
Et dans sa petite chambrette,
La vie ne l’intéresse plus.
De la main même de sa sœurette
Qui réchauffait sa main menue,
On a privé aussi Lisette,
Car la covid est apparue.
Et on l’a mise aux oubliettes,
Les rencontres sont défendues.
Ce sont des masques à l’aveuglette,
Qui lui servent tous ses menus.
Elle somnole, confinée, seulette,
Sans avenir, privée de but.
Ce matin, elle est morte Lisette,
De tout ce qu’elle n’avait plus.
-Annick Markmann